· 

Acide Lactique et Lactates : Déconstruire les Idées Reçues

Introduction

 

Longtemps accusé d’être responsable des courbatures et de la fatigue musculaire, l’acide lactique est en réalité victime d’une confusion scientifique et historique. Les recherches menées depuis les années 1980 ont profondément changé notre compréhension : ce n’est pas l’“acide lactique” qui est produit lors de l’effort, mais bien le lactate, une molécule qui joue un rôle clé dans l’énergie et la performance. Cet article fait le point sur les connaissances actuelles et montre pourquoi le lactate est davantage un allié qu’un ennemi du sportif.

 


Acide Lactique vs Lactate : Quelle différence ?

 

Contrairement à une idée répandue, le corps humain ne produit pas d’acide lactique lors de l’effort. À pH physiologique (~7), cette molécule est instable et se dissocie immédiatement en lactate (C3H5O3−) et en proton (H+).
Ainsi, parler d’“acide lactique” est scientifiquement incorrect : ce qui est réellement produit et mesuré dans le sang, c’est le lactate.

 

 

👉 À retenir : le lactate est une molécule énergétique utile, pas un déchet toxique.

 

 


Pourquoi le corps produit-il du Lactate ?

 

Lors d’un effort intense, la demande en énergie explose. La glycolyse (dégradation du glucose) produit de l’ATP très rapidement. Lorsque la capacité des mitochondries à oxyder le pyruvate est dépassée, celui-ci est converti en lactate par la lactate-déshydrogénase.
Contrairement à une croyance persistante, cette production de lactate a lieu même en présence d’oxygène (on parle alors de “glycolyse rapide”).

 

Le lactate n’est pas un sous-produit inutile :

 

  • il sert de carburant aux muscles, au cœur et au cerveau ;
  • il peut être recyclé par le foie via le cycle de Cori (reconversion en glucose) ;
  • il participe aux échanges énergétiques entre fibres musculaires grâce au mécanisme de lactate shuttle (navette lactate, Brooks 1985).

 

 


Le Lactate, allié de la performance sportive

 

Le lactate est aujourd’hui utilisé comme indicateur physiologique. Les tests de lactate permettent de déterminer des intensités d’entraînement adaptées :

 

  • LT1 (premier seuil de lactate),
  • LT2 (deuxième seuil, proche du maximal lactate steady state, MLSS).

 

Plus un athlète est entraîné, plus il est capable d’utiliser le lactate comme carburant et de repousser le moment où son accumulation devient excessive. C’est un marqueur clé de l’endurance et de la performance.

 

 


Acidité Musculaire : Le rôle des protons, pas du Lactate

 

La sensation de brûlure pendant un effort intense provient de l’accumulation de protons (H+), qui abaissent le pH musculaire.
Le lactate, quant à lui, n’acidifie pas le muscle. Au contraire, son export hors des cellules est couplé à celui des protons via les transporteurs MCT (monocarboxylate transporters). Ce mécanisme contribue indirectement à réguler l’acidose intracellulaire.

 

 

👉 Mythe à oublier : le lactate n’est pas responsable de l’acidose métabolique.

 

 


Comment gérer le Lactate pour mieux performer ?

 

  • Entraînement par intervalles (HIIT, fartlek, fractionné) : améliore la tolérance au lactate et la capacité à l’oxyder.
  • Travail au seuil : développe la capacité à maintenir un haut niveau d’effort sans accumulation excessive.
  • Équilibre acido-basique : maintenu par les systèmes tampons (bicarbonates, phosphates) et la ventilation. Une bonne hydratation et une nutrition adaptée soutiennent ces mécanismes de manière indirecte.

 


Le cycle de Cori et le recyclage du Lactate

 

Une partie du lactate produit par les muscles est transportée vers le foie, où il est reconverti en glucose via la néoglucogenèse (cycle de Cori). Ce glucose peut ensuite être réutilisé par les muscles, formant un cycle énergétique.

 

Cependant, la voie principale reste la réoxydation directe du lactate par les muscles, le cœur et le cerveau, processus beaucoup plus efficace que le détour hépatique.

 


Courbatures et Lactate : Fin du mythe

 

Les courbatures (DOMS) apparaissent 24 à 48 heures après l’effort et sont dues à des micro-lésions des fibres musculaires et aux processus inflammatoires associés.
Le lactate, lui, est éliminé du sang en 30 à 60 minutes après l’exercice. Il ne joue aucun rôle dans l’apparition des douleurs musculaires retardées.

 


Conclusion : Le Lactate, un atout pour les sportifs

 

Loin d’être un simple déchet, le lactate est un acteur central du métabolisme énergétique. Il :

 

  • fournit du carburant aux muscles, au cœur et au cerveau,
  • participe à la régulation du pH musculaire,
  • sert de repère fiable pour évaluer l’intensité d’entraînement.

 

En intégrant cette réalité dans vos entraînements, vous pouvez mieux comprendre vos limites, repousser vos seuils de performance et optimiser votre récupération.

 

 

👉 La prochaine fois que vous entendrez parler d’“acide lactique”, souvenez-vous : ce n’est pas un poison, mais une ressource précieuse que le corps utilise avec intelligence.